SCO & François Leleux - Bizet & Gounod - ON Magazine
Ce disque a le mérite de présenter deux œuvres symphoniques un peu oubliées de deux compositeurs par ailleurs célébrés à l'opéra : Gounod et Bizet. Le piquant de l'affaire est qu'elles sont interprétées ici par un orchestre écossais et un hautboïste français qui adopte la baguette.
À côté de ses chefs-d'œuvre opératiques, Faust, Mireille, Roméo et Juliette, Charles Gounod a écrit trois symphonies. La troisième, dite Petite Symphonie, de 1885, l'est pour neuf instruments à vent : flûte ainsi que hautbois, clarinettes, bassons et cors par deux. Illustration de la vitalité de l'école de vents française de la fin du XIXème et un hommage au célèbre flûtiste Paul Taffanel, fondateur en 1878 de la Société de musique de chambre pour instruments à vents. Les quatre mouvements de cette œuvre à l’indéniable charme gallique possèdent une constante inventivité mélodique. À l'aune du premier, où passées quelques mesures introductives Adagio, s'installe un Allegretto bien rythmé. L'Andante cantabile est dominé par la mélopée de la flûte à laquelle répondent d'abord les hautbois puis tous les autres instruments. Le Scherzo s'ouvre par un appel de cors, prélude à une musique de chasse très allante, alors que le trio n'est pas sans une pointe d'humour dans son trottinement généreux. Un Allegretto expansif conclut, toujours dans une salve mélodique qui semble ne pas s'interrompre. François Leleux au hautbois I et ses collègues du Scottish Chamber Orchestra en livrent une exécution immaculée et pleine de verve.
La Symphonie N°1 en ut de Bizet connut un sort étonnant. Composée en 1855, et ainsi contemporaine des deux premières pièces symphoniques de Gounod, elle ne sera jamais publiée du vivant de son auteur. Le manuscrit passera de mains en mains, jusqu'à Reynaldo Hahn qui le déposera en 1933 à la bibliothèque du Conservatoire de Paris. Alerté par un admirateur anglais de Bizet, Douglas Charles Parker, le chef d'orchestre Félix Weingartner le fera éditer à ses propres frais et donnera la première audition publique de l'œuvre en 1935. Cette symphonie d'un jeune homme de 17 ans paie son tribut à Gounod mais aussi à Rossini, musicien fort influent à l'époque. Elle allie aussi bien attrait mélodique que spontanéité dynamique dans ses quatre mouvements. L'exécution qu'en donnent François Leleux et ses musiciens écossais ne comble cependant pas les attentes. L'exubérant Allegro n'échappe pas à une certaine précipitation et en conséquence manque de charme. L'Adagio, célèbre pour sa mélodie du hautbois aux senteurs presque orientales, vient mieux, en particulier la section médiane fuguée. L'Allegro vivace, sorte de scherzo, d'abord martial, puis fluide et entraînant à la Mendelssohn, souffre d'accents tranchés, confinant à une certaine sécheresse. Le trio rustique met justement l'accent sur le bourdon des cordes graves. Le finale, de nouveau Allegro vivace, est pris à tel train d'enfer et avec presque brusquerie façon ''marche des petits soldats'', qu'il perd de sa vraie fraîcheur. Reste la qualité instrumentale des musiciens écossais. Qu'on retrouve dans l'exécution de la Carmen Suite N°1, fameux pot-pourri en cinq numéros de certaines des pages emblématiques de l'opéra éponyme. Leleux impose à ses forces, cette fois, une battue plus assagie. On l'a compris, le disque vaut surtout pour la symphonie de Gounod.
La prise de son, au Caird Hall de Dundee (UK), est quelque peu réverbérée dans la symphonie de Bizet avec un son presque agressif sur les violons I & II. Les vents sont mieux captés dans le Gounod avec une balance interne réussie.