Olga Pashchenko - Mozart: Piano Concertos 9 & 17 - Crescendo
Son : 9 Livret : 9 Répertoire : 10 Interprétation : 9
Née à Moscou, Olga Pashchenko entre à l’Académie Gnessine de sa ville natale en 1993, à l’âge de sept ans. Sa formation va se poursuivre au Conservatoire de la capitale russe avec Alexei Lubimov pour le piano, Olga Martynova pour le clavecin et Alexei Shmitov pour l’orgue. Polyvalente, Olga Pashchenko est aussi à l’aise face aux trois claviers, auxquels vient s’ajouter le pianoforte. Avec un répertoire qui va du XVIe siècle à nos jours, elle ne risque pas de voir son choix limité ! En 2011, la jeune virtuose est au Conservatoire d’Amsterdam ; elle s’y perfectionne, au piano et au clavecin, avec Richard Egarr. Elle est titulaire de plusieurs prix et récompenses, notamment au Concours Musica Antiqua de Bruges, en 2010 pour le pianoforte et en 2012 pour le clavecin. Sous étiquette Alpha, Olga Paschenko a déjà enregistré des sonates de Beethoven, le quintette et le concerto pour deux pianos de Dussek (avec son ancien professeur Alexei Lubimov) ; elle a aussi partagé un partenariat avec la flûtiste Anna Besson dans des pages de Beethoven, Kuhlau et Doppler, et un autre avec le baryton Georg Nigl pour un récital « Vanitas » consacré à Beethoven encore, Schubert et Rihm. Cette fois, elle propose deux concertos de Mozart sur pianoforte, amorce d’une série que le label annonce pour les prochaines années. On accepte l’augure d’une éventuelle intégrale. Mais qu’en est-il de ce premier volet déjà disponible ?
Les deux concertos de ce programme attachant sont trop connus pour que l’on se penche longtemps sur leur genèse. Il faut cependant rappeler que le Concerto n° 9, que la pochette a choisi d’appeler avec raison par son sous-titre « Jenamy » au lieu de l’habituel « Jeunehomme », a été écrit en 1777 par un Mozart de vingt ans pour Louise-Victoire Jenamy (1749-1812), fille aînée de Jean-Georges Noverre, un danseur, ami de Wolfgang Amadeus, auquel ce dernier a voulu faire plaisir. La confusion avec le terme « Jeunehomme » a été levée par la musicologie au vu de la correspondance échangée par le génial créateur avec son père ; la notice signée par Nicolas Derny explicite la chose. On s’y référera. Ce détail passe au second plan face à un chef-d’œuvre de style classique dans lequel le dialogue, d’une expressivité permanente, entre le soliste et l’orchestre fait merveille. Olga Pashchenko a choisi pour son interprétation un pianoforte Paul McNulty d’après un instrument de Johann Andreas Stein de 1788, à la sonorité qui convient très bien à cette partition où règne l’enthousiasme. C’est d’ailleurs dans ce même état d’esprit que l’artiste évolue au cours des trois mouvements. L’impétuosité avec laquelle elle aborde l’Allegro initial puis la trille dominante, pleine de fraîche vigueur, dans un dialogue subtil avec le lumineux ensemble Il Gardellino, ne s’inscrit pas dans le registre de la démonstration, mais bien dans celui du partage, la cadence étant intégrée au discours global. L’Andantino qui suit, dont on aime souvent à souligner le côté douloureux et aussi le fait qu’il annonce le mouvement lent de la Symphonie concertante pour violon et alto K. 364 que Mozart composera bientôt, est abordé avec simplicité dans une atmosphère que nous qualifierons plutôt de plaintive. Olga Pashchenko dessine les contours de la souffrance avec une pudeur qui permet aux notes de se retrancher peu à peu dans une sorte d’obscurité protectrice. Le contraste avec le Rondo est d’autant plus affirmé : la danse (hommage à l’ami Noverre ?) et le caractère joyeux sont mis au service d’une verve et d’une fougue qui ne négligent pas la conduite du Presto conclusif vers des effets théâtraux.
Si cette version du numéro 9 de la série mozartienne est bien séduisante, celle du numéro 17 l’est tout autant. Dédié à Barbara Ployer (1765-1811), nièce du futur représentant du Prince-Archevêque de Salzbourg à la Cour impériale, ce concerto K. 453 est créé par la jeune dédicataire en juin 1784. Cette fois, c’est sur un pianoforte, au son plus lyrique, du même McNulty, d’après une copie d’un Anton Walter conçu en 1792, qu’officie Olga Pashchenko (on notera que l’épouse de McNulty, Viviana Sofronitzky, fille du célèbre Vladimir Sofronitzky, a enregistré pour Etcetera, avec une formation polonaise, une belle intégrale des concertos de Mozart sur des instruments revus par son mari). La grâce domine l’Allegro initial. C’est l’option choisie par Pashchenko, avec une jolie expression employée par le signataire de la notice qui signale qu’à un moment donné, la main gauche sonnerait presque comme un cor de chasse. Cette judicieuse remarque est adaptée à un contexte global dans lequel les instruments comme la flûte, le hautbois ou le basson vont jouer leur rôle d’introspection dans l’admirable Andante. Chez Pashchenko, l’expressivité se double d’une capacité à exprimer une sorte d’amertume sous-jacente, voire même de l’inquiétude, que le pianoforte souligne de façon mystérieuse. Tout cela disparaît dans l’Allegretto, pour lequel on évoque l’éventualité d’un chant de chardonneret qui aurait inspiré Mozart. Ce mouvement qui a pour base une sorte de contredanse, est une suite de variations successives avant un Presto final bondissant dans lequel l’artiste libère énergie et vivacité pour en faire jaillir la verve joyeuse.
Ce volet d’un projet annoncé dont il est le premier jalon nous convainc par la virtuosité libre et maîtrisée d’Olga Pashchenko, mais surtout par une limpidité de l’approche à laquelle les pianofortes choisis apportent leur part de finesse et de lumière. Quant à l’ensemble Il Gardellino, il nous fait le cadeau de sonorités à la fois chaudes et gonflées de sève, souvent enchanteresses. Enregistré à l’Amuz-Augustinus Muziekcentrum d’Anvers en octobre 2020, ce CD bénéficie d’une captation équilibrée et pleine de nuances. Nous attendons d’autres concertos mozartiens de ces partenaires avec une patiente impatience.