Dunedin Consort - Handel: Samson - Res Musica
Inspiré du drame sacré de John Milton Samson Agonistes, Samson de Haendel est un ouvrage injustement négligé de nos jours, sans doute à côté du statisme imputable à sa source – un drame conçu pour la lecture et non pour la scène – qui n’en fait pas le candidat idéal pour les tentatives actuelles de mise en scène dont font l’objet les oratorios anglais de Haendel. La qualité de la musique en est pourtant exceptionnelle, ce qui est loin d’être le cas de tous les oratorios, et l’ouvrage ne manque pas d’occasions d’exhiber de belles prestations vocales. L’opposition entre les Israélites et les Philistins permet en effet de confronter deux langages musicaux, celui fondé sur le chœur, le récitatif et l’arioso, contrasté avec le style plus léger, plus dansant et plus vocal qui marque la partie philistine. Bien malin celui qui saura dire de quel côté penchait réellement Haendel, qui à l’époque de la composition de Samson venait de faire ses adieux définitifs à l’opéra italien.
Un des grands atouts de cette version concerne la diction impeccable des solistes, dont on entend distinctement chaque syllabe. Ce compliment est valable également pour le chœur, d’une grande limpidité. Aux voix du Dunedin Consort s’ajoutent d’ailleurs les sopranos garçons du Tiffin Boys’ Choir, autre institution britannique qui fait honneur à la nation. Dans le rôle du héros déchu et torturé, le ténor Joshua Ellicott délivre une prestation d’anthologie, qui ne serait pas sans rappeler le Jon Vickers d’antan si les moyens vocaux n’étaient si différents. Loin d’être intrinsèquement belle, la voix sait jouer de toutes les couleurs expressives pour transcrire la gamme d’émotions associées à ce personnage tragique entre tous. Elle s’oppose à ce titre au timbre juvénile du jeune Hugo Hymas, très à l’aise dans les acrobaties et les vocalises des différents personnages dont il a la charge. Les deux basses font belle figure également, et l’on retrouve avec le plus grand plaisir Matthew Brook, émouvant Manoa dont le chanteur traduit à la perfection la bonté et la noblesse. Son air « How willing my paternal love » comptera parmi les sommets de cet enregistrement. Dans le rôle plus fanfaronnant du géant Harapha, le Russo-Américain Vitali Rozynko est lui aussi idéalement distribué. Chez les dames, notons l’apparition du bel alto cuivré de Jess Dandy, tout à fait dans la tradition de ces voix graves féminines anglaises. Une fois encore, les producteurs auront réuni les sœurs Bevan pour une réalisation haendélienne. Le timbre de l’aînée, Sophie, contient ce petit sifflement qui traduit idéalement la perfidie de Dalila. Un rien plus léger, celui de Mary sert au mieux les diverses interventions, plus virtuoses, de personnages féminins secondaires sur le plan dramatique mais essentiels pour les démonstrations de virtuosité vocale encore attendus du public du début des années 1740. On découvre avec le plus grand plaisir le soprano fruité et léger de la Galloise Fflur Wyn, qu’on espère entendre bientôt dans d’autres incursions. Tous les solistes confortent les chanteurs du Dunedin Consort, emmenés par leur chef John Butt avec élan, énergie et sincérité. Après Esther et l’Ode à Sainte Cécile, on attend avec impatience les prochaines réalisations discographiques du Dunedin Consort.